Une chose m’a frappé, fait un peu flipper aussi je l’avoue ; alors que mon univers de mort puis de comateux n’était que néant, un même pas univers en somme ; à mon réveil, il suffisait que je ferme les yeux sans dormir pour autant – même les yeux ouverts parfois – et mon univers retrouvé pouvait changer de forme, une sorte d’univers en troisD, ou fait comme de patte à modeler, mais rigide néanmoins, bougeant et changeant à mesure que je bougeais, ou juste bougeais les yeux derrière mes paupières fermées. Je voyais parfaitement le mur en face de mon lit, avec une fenêtre au milieu donnant sur une autre pièce, une porte toujours ouverte à côté pour surveiller que je ne sombre pas à nouveau, et je pouvais les modeler et les déplacer, placer l’une ou l’autre au premier plan, l’autre derrière moi, la fenêtre pouvait se transformer en la télévision collée à côté. Ce n’était pas à proprement parler des images délirantes puisque je parlais normalement, pouvais converser, plaisanter lorsque l’on venait me piquer ou changer mes perfusions… juste que les objets pouvaient se mouvoir, le plus souvent sans que je ne les contrôle. Trois, quatre jours que cela a duré, parfois amusant, le plus souvent assez déplaisant lorsque je voulais que les choses reprennent leur place.
Allo Paris, il est bientôt minuit chez vous. Chez moi en Adélaïde, il est presque dix heures, et comme c’est ouikend, je grasse-matine en attendant que le mâtin coasse au fond du bois pour faire comprendre au coq que c’est l’heure de jouer de son clairon à réveiller les morts.
Je vous l’accorde volontiers, j’aurais pu faire plus succinct dans le genre de phrase sans tête ni queue. Mais c’est ainsi, les humeurs ne se commandent pas, à moins que vous ne choisissiez d’être un bon petit soldat de sa majesté.
« Et pourquoi pas ? » Qu’elle dit la cigale. « Si tu es le général en chef de tous les généraux et la majesté un pot de fleurs – ce qui est plus original qu’une potiche et plus séant pour elle qu’un pot de chambre. D’ailleurs, on peut aussi pisser dans un pot de fleurs. »
Ce à quoi la fourmi ajoute, que Pierrette, lorsqu’elle n’en pouvait mais, pissait bien dans son pot au lait. Et alors !
En gros, voici le genre de choses que je me racontais lorsque les objets se mettaient à bouger à mes dépens, me disant que si j’étais capable de penser de telles inepties, c’est que j’étais loin d’être fou mais qu’il valait mieux n’en parler à personne, de peur que l’on ne me colle la camisole. Remarque, j’aurais bien aimé voir comment on pouvait me mettre une camisole, étant déjà si camisolé de partout par des tuyaux que je ne pouvais même pas me lever pour aller pisser.
Tiens, le truc que l’on te donne pour aller pisser s’appelle un pistolet. Mais vous avez beau le regarder sous toutes les coutures, cela ne ressemble en rien avec la chose commune qui sert à tuer ses congénères lorsqu’ils ont une tronche qui ne te revient pas. En gros, cela ressemble plutôt au machin que tu utilises lorsque tu es enrubé pour te faire des inhalations, et de préférence il vaut mieux ne pas se tromper. D’ailleurs, le pistolet en question – celui pour pisser – s’appelle aussi un urinal – ce qui est plus logique puisque cela rime avec cardinal – pas le point, le monseigneur comme la pince – mais je ne vous expliquerai pas pourquoi. Cela rime aussi avec confessionnal, le genre de truc que quand je rentre dans une église, j’ai envie d’aller pisser dedans tout en faisant la causette au bon dieu.
Mais je commence à un peu trop digresser, c’est peut-être une manière d’exorciser mes peurs, ce dont je parlerai une autre fois.