A Pâques, je ramasse des coquillages.

Un coquillage, trouvé sur la plage. Rien d’extraordinaire.
Un coquillage. Attendant qu’on le prenne, poli par les flots. Nacré en dedans. Il roulait encore sous les vagues, mourantes sur le sable.
J’ai posé les yeux sur lui. Voulu le fouler au pied, perdue dans mon chagrin. La mer, sur lui, a fondu. Et une vague, plus loin, l’a emporté.
J’ai continué à longer la plage déserte. Pensant à ce coquillage, que je n’avais pas voulu ramasser. J’ai marché. Longtemps.
Je suis revenue sur mes pas ; j’ai fais le chemin inverse. Sans le chercher. Il était là. Sur le sable. Rejeté par une vague plus grosse, plus forte.
On aurait cru qu’il m’attendait.
Je me suis assise. Près de lui. Sans oser d’abord le prendre.  Sans même oser le toucher.
Le soleil lui donnait une brillance particulière, sur ses côtés nacrés. Comme s’il était précieux.
J’ai fumé une cigarette, plissé les yeux sous le coucher du soleil. J’ai ravalé ma peine et je l’ai pris dans mes mains.
Il avait une forme de poire, tourbillonnante à l’extrémité, profonde et satinée à l’intérieur.
Il était doux au toucher, mes doigts reposaient mon âme à le caresser.
Ses couleurs irisées se fondaient entre elles. Du rose au gris. En tirant sur le bleu ciel.
Quelques taches noires sur sa coquille. Rugueuses. Des coups, laissés par des rochers, l’avaient un peu abimé.
Le soleil s’est levé. Toute la nuit, j’avais passé mes doigts sur ces taches là.. les noires..
Pour les faire disparaitre. Je n’avais pas besoin de les voir. Je les sentais sous mes doigts.
Ces marques. Ces coups. J’ai porté le coquillage à mon nez. Il sentait bon les embruns.
Il sentait les matins, qui se lèvent sur la mer, la profondeur des océans.
Il sentait le soir qui se couche, la chaleur qui se dissipe. Et même les étoiles qui naissent dans le ciel..
Je l’ai humé de tous côtés, toute la journée. Le cœur battant de l’avoir trouvé.
Ce n’est qu’à la nuit que j’ai osé le porter à mon oreille. Et je l’ai écouté.
Un murmure. Un souffle. Un fredonnement lointain.
Et les mots ont commencé à se détacher, distincts.
Allongée sur le sable, mon coquillage contre mon épaule, j’ai écouté son chant.
Il m’a d’abord dit de ne plus pleurer.. J’ai éclaté en sanglots. Il a dit plus fort : ne pleure plus.
J’ai pleuré de plus belle. Je suis devenue fontaine. Il a dit, plus fort : arrête. Arrête de pleurer.
Tu n’entends plus rien, tu ne vois plus rien. Ne pleure plus. Arrête. Tu ne m’entends plus..
Alors, j’ai promis. Promis à un coquillage de ne plus pleurer.
J’ai frotté mes yeux avec le dos de mes mains, j’ai regardé les étoiles, et je l’ai écouté.
Religieusement. J’écoutais un chant qui s’élevait du chœur d’une basilique.
Il m’a parlé toute la nuit. Du monde. De celui-ci. De celui d’avant. De celui qui sera.
Il m’a parlé des hommes, des couleurs, des profondeurs.
Il m’a raconté les étoiles, qui naissent au ciel, et meurent dans les yeux des chats.
Il m’a parlé des enfants, portés par chaque homme dans sa chair.
Vois l’enfant avant de juger qui que soit. Il m’a parlé de la justice. De celle des hommes.
De celles des fourmis. De celle divine. En pointillé, Il m’a parlé du vieillard, là-haut..
Il m’a parlé de l’amour.. De celui qu’on croit éternel. De celui qui ne nous voit pas.
De l’amour qui ne nous aime pas. De l’amour qu’on donne. De celui qu’on reçoit.
En me parlant d’amour, j’ai cru comprendre pourquoi nous sommes là…

Y’a des jours, comme ça..

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7 commentaires pour A Pâques, je ramasse des coquillages.

  1. cestnabum dit :

    Mamicha

    Prenez bien garde qu’il n’y ait pas quelques sorcelleries dans tout ça

  2. nanoub dit :

    Bonsoir,
    très joli…
    Et mmmmm; le coquillages en chocolat!!!

    • mamistou dit :

      Oui.. c’est bon.. les coquillages en chocolat.. Mes préférés sont les oranges.. et quand on marche dessus à pieds nus, ça fond.. ça ne coupe pas, comme les vrais coquillages 🙂

  3. jean-michel plouchard dit :

    Les coquillages n’ont pas besoin de lire Kant pour se faire philosophes, ni Chateaubriand pour voir la mer, ni Ronsard pour se faire poètes… Il sont…
    Bisous, Mistou, je te souhaite du soleil sur la plage, et pas de vagues qui charrient l’âme, juste des vagues, comme ça, comme sont les vagues.

    • mamistou dit :

      Du vague à l’âme… La lame des vagues.. Pffff.. tout est question de sémantique, tu penses, Jean-Mi ?? Comme le chantait si bien Cloclo (que tu as, au pas sage, oublié dans ta liste : ça s’en va et ça revient… ) 😉 Bises, pas vagues du tout.

      • jean-michel plouchard dit :

        Ah oui ! je rectifie ! Les coquillage n’ont pas besoin d’écouter Cloclo pour voir le phare d’Alexandrie.
        Bises sans vagues, surtout pas à l’âme, Mistou

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